Milan-San Remo 2014 : Et alors ?

Article rédigé par Johann Peyrot du blog Impressions Cyclistes

Différentes analyses se sont faites au gré des changements de parcours, de l’annonce de l’introduction de la Pompeiana à sa disparition sur décision préfectorale. Les organisateurs se sont pris à leur propre piège : à vouloir durcir le parcours, ils furent obligés de revenir au tracé d’avant 2008, sans Manie. On annonçait un sprint, et sprint il y a eu… Mais force de constater que celui-ci demeura incertain jusqu’au Poggio, des conditions météo exécrables réduisant le peloton à une part minime et faisant croire un temps à une arrivée très réduite semblable aux précédentes éditions.

Bilan Milan-San Remo 2014

Un cru 2014 bien faible

Milan-San Remo tire sa grandeur de son scénario – incertain jusqu’au bout – et de sa diversité sans équivalence de possibles vainqueurs. D’une certaine manière, l’édition 2014 tint ses promesses mais ne compléta pas ce suspense par un spectacle incessant d’attaques et de défaillances comme en 2011 (pour citer la plus belle édition de ces dernières années). Une seule attaque : celle de Vincenzo Nibali dans la Cipressa, s’envolant dans un de ses coups de panache dont il a le secret, mais dont on pouvait se demander ce qu’il voulait réellement en tirer. Dans le Poggio quelques petites escarmouches. Personne cependant pour parvenir à s’extraire de la masse, tous trop gelés pour démarrer à plein régime.

La pluie a été sans doute le facteur déterminant de la course, tout comme la neige en 2013, mais pas nécessairement dans le bon sens. Certes, elle a pu accomplir une sélection plus qu’importante au sein du peloton (27 coureurs seulement sont arrivés en même temps que le vainqueur), mais a aussi inhibé les attaques au sein du groupe de tête comme l’a rapporté Yohan Offredo. On dut alors assister au triste spectacle de ces coureurs incapables de provoquer des offensives violentes et se résoudre à un inévitable sprint, dont néanmoins le vainqueur restait parfaitement inconnu.

Du lot se dégagea Alexander Kristoff. Sa victoire n’est pas à négliger, encore moins à mépriser. Même en petit comité, sa victoire restait possible et Kristoff, encore assez jeune, sera sans doute un acteur récurrent des classiques à venir, surtout des flandriennes. Et il ne serait pas étonnant de voir apparaître son nom dans le palmarès du Tour des Flandres ou de Paris-Roubaix, donnant à sa victoire sur Milan-San Remo une dimension nouvelle, celle de l’accomplissement premier du champion.

Doit-on regretter la Pompeiana ?

Demeure quand même la déception d’avoir assisté à une course molle, éclairée seulement par l’ardeur de Nibali et sur laquelle on se doit de modérer nos critiques par respect pour la grande souffrance de ceux qui ont subi pendant près de sept heures la pluie et le froid. Vient alors la question évidente, celle qui rejoint les interrogations qui tournent autour de Milan-San Remo depuis l’annonce du nouveau tracé, sur la pertinence de la Pompeiana. Qu’est-ce que cette nouvelle difficulté aurait changé ?

Pour répondre franchement, on peut douter très largement de son efficacité. Avec une telle homogénéité de niveau et les coureurs toujours aussi gelés, les attaques auraient toujours été aussi inefficaces. La Pompeiana n’aurait été qu’un bout de route supplémentaire au sein duquel rien ne se serait passé, le peloton attendant (avec l’échec que l’on sait) le Poggio. Nibali aurait sans doute attaqué dans cette seconde difficulté, non dans la première, mais ses chances seraient restées extrêmement minces au vu de son manque de forme constaté sur Paris-Nice. A la limite, l’apport le plus intéressant aurait été non pas la montée, mais la descente qui aurait pu créer des cassures et compliquer l’organisation du groupe, par contre peu favorable à l’attaque là où sur Milan-San Remo les offensives sérieuses d’outsiders se font sur les replats.

Pourtant, dans ces suppositions, on demeure sur un scénario tardif, se déroulant uniquement dans les trente ultimes kilomètres, ce qui pour une classique reste relativement décevant. Non, le regret, le vrai, c’est la Manie. Avec une telle pluie, le froid, les conditions difficiles, c’était l’occasion de voir le peloton exploser dès cette difficulté et lancer la course de beaucoup plus loin. Là, les sprinteurs auraient été beaucoup plus isolés, voire déjà distancés, et les offensives auraient sans doute eut plus de marge dans leur développement. Cancellara critiqua à l’arrivée ce manque de difficulté qui laissait trop d’hommes frais dans le final. Pour nous, la vraie solution, c’est la Manie. La Pompeiana, si elle doit être introduite, ne doit pas chercher à remplacer en difficulté la rampe du milieu de parcours. Au pire, que les organisateurs combinent les deux, mais qu’ils ne renoncent pas à cette superbe trouvaille respectant l’âme profonde de la Primavera, et pourtant lui ajoutant une beauté supplémentaire, décantant la course à l’image de la trouée d’Aremberg sur Paris-Roubaix.

Photo : RCS


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