Article rédigé par Johann Peyrot du blog Impressions Cyclistes
L’annonce du parcours du Paris-Nice 2014 a été un choc : pour certains une excellente surprise, pour d’autres une catastrophe. Si certains s’en tiennent à un simple « On verra », le débat a été assez vif. Globalement, les avis sont positifs. On parle d’une course plus ouverte, on salue (assez unanimement sur ce point) l’absence de contre-la-montre, même si un prologue n’eut pas été à l’encontre de la volonté des organisateurs. On se réjouit de la possibilité d’assister à une course débridée et incertaine jusqu’au bout.
D’autres voix pourtant se sont élevées pour critiquer l’absence d’étapes tracées en vue de l’affrontement des leaders. L’absence d’arrivée au sommet est pointée comme une faute grave : la crainte évidente est la succession d’arrivées au sprint, et des leaders ne disposant jamais d’un terrain propice à leurs ambitions au classement général. Bref, un résultat biaisé à l’arrivée sur la Promenade des Anglais.
Paris-Nice, un parcours osé
Les réponses à apporter sont assez évidentes. D’une, le tracé de l’édition 2014 tient du pari. Il demeure donc nécessairement de l’incertitude quant à sa réussite. Surtout, même si les leaders habituels des courses par étapes voient leur tâche compliquée par l’absence de terrain leur étant favorable, cela n’implique pas que ce ne sont pas eux qui vont se jouer la victoire. Certes, le parcours laisse entrevoir la possibilité de l’intervention de nouveaux acteurs. Les noms de Chavanel ou de Sagan ont été évoqués. Mais, à la réflexion, ce sont des noms que l’on pouvait déjà citer comme acteurs de la Course au Soleil. Chavanel y cumule les places d’honneur depuis des années, montagne ou pas, et Sagan reste de toute manière un vainqueur potentiel de ces courses d’une semaine évitant les très hauts sommets. Il est fort à parier que les prétendants à la victoire lors de l’édition 2014 seront semblables aux autres années. Si dans le col d’Eze, dans le Mont Brouilly ou dans le Mur de Fayence, Vincenzo Nibali attaque, suivront les mêmes qui l’auraient suivi dans la montagne de Lure.
De fait, si le parcours a surpris, Jean-Christophe Peraud est l’un des seuls qui, à ce jour, a modifié son programme de course. Le Français demeurant en compétition dans une position attentiste, jouant sur ses capacités pour limiter au maximum les dégâts en montagne et en chrono, l’absence d’arrivée au sommet et de contre-la-montre au col d’Eze réduisaient ses chances de figurer honorablement au classement général. On pourrait lui répliquer qu’au contraire c’est une occasion unique de remporter cette épreuve quand habituellement il tombe toujours sur plus fort que lui. Mais, il faut convenir que dans les esprits, Tirreno-Adriatico est désormais la course de référence du mois de mars au sein des courses par étapes.
Une préférence pour Tirreno
Même en prenant en compte le ASO bashing qui prend un malin plaisir à dénigrer les parcours français face aux exubérants tracés italiens, il y a aujourd’hui des raisons plus objectives qui nourrissent cette idée de supériorité de Tirreno. Le parcours est plus difficile (surtout les ascensions empruntées ou certains enchaînements dans les finals d’étapes le sont : finir un Tirreno-Adriatico ou un Paris-Nice provoque une fatigue semblable, et les variations d’effort sont plus liés aux réactions du peloton ou à la météo). Les plateaux des engagés sont équilibrés, mais Paris-Nice ces dernières années, depuis la victoire de Tony Martin en 2011, et plus encore depuis le retour du contre-la-montre au col d’Eze, apparaît comme une course stéréotypée, se décidant plus lors de l’exercice chronométré que lors des étapes de montagne, celles-ci se réduisant souvent à une unique arrivée au sommet.
Cette préférence pour Tirreno est très récente. Il y a quelques années encore, c’était plutôt l’inverse : Tirreno était une course de sprinteurs, un contre-la-montre et une petite côte assez raide décidaient du général ; et Paris-Nice était la course qui proposait les parcours intéressants. Les palmarès sont relativement éloquents en ce sens, avec notamment en 2005 la seconde place de Petacchi derrière Freire côté italien. Simplement, les temps changent, le calendrier de course évolue, les parcours avec. Il est intéressant de remarquer que l’introduction de la Manie sur Milan-San Remo date de 2008, avec la victoire de Cancellara, et que le changement sur Tirreno date de l’année suivante, 2009, avec la victoire au général de Michele Scarponi. Au fur et à mesure que la transition de Milan-San Remo de course de sprinteurs à course de puncheurs s’affirmait, le parcours de Tirreno se fit plus difficile, plus orienté vers les grimpeurs, avec des étapes plus longues et plus d’ascensions. Si bien que cette épreuve est rapidement devenue une préparation idéale au monument italien.
D’autres facteurs plus directs ont certainement joué, comme la médiatisation accrue du cyclisme dans les années 2010 avec des retransmissions télévisées plus longues et plus régulières, mais le parallèle mérite d’être noté. Celui-ci montre en tous cas que les courses ne sont pas figées, que les intentions des organisateurs varient selon les périodes et les modifications des autres épreuves cyclistes. Paris-Nice s’était engagée depuis trois ans dans une mauvaise voie. Elle vient d’en sortir, mais comme Tirreno-Adriatico est désormais la course laissant le plus de latitude aux grimpeurs, la Course au Soleil se devait de trouver une logique autre. Les schémas du passé n’ont pas vocation à rester éternellement, et la voie nouvelle choisie par ASO est en tous cas à saluer.
Photo : melty.fr
Tout à fait d’accord avec toi. Tirreno-Adriatico rapporte plus de points juste parce que le parcours est plus excentrique. Pourtant Paris-Nice se vaut aussi. Mais, après, dire que des Nibali ou Van Garderen sont des favoris, les journaux se trompent. Un Chavanel, Vichot ou Gerrans peut être favori. Le seul problème, c’est l’arrivée à Fayence. Elle peut tout faire basculer.