Article rédigé par Johann Peyrot du blog Impressions Cyclistes
Le troisième Grand Tour de la saison vient de s’achever. Au terme d’une course plus incertaine qu’en Italie ou en France, c’est l’inattendu Chris Horner qui vient de triompher à Madrid. A 42 ans l’Américain accède enfin à une victoire de prestige. Mais il n’est pas le seul point à noter dans ces trois semaines de course. Vingt et une étapes comportent nécessairement leur lot de surprises et de confirmations.
Fatigue de fin de saison
Le poids de l’année s’est fait sentir tout au long des trois semaines espagnoles. Ce fut flagrant dans le contrôle chaotique des échappées. Les cadors échouèrent à cadenasser la course et purent rarement se jouer la victoire au sommet des cols. Les sprinteurs connurent les mêmes difficultés. Tony Martin fut rattrapé de justesse, Mollema put partir aux 700 mètres, Gilbert et Stybar à 10 kilomètres de la ligne !
Les organismes sont las des jours de course, las de s’infliger sans cesse ces efforts insensés. Le déroulé des étapes s’en est ressenti. Tant mieux. Le spectacle n’en est que meilleur. Ce sont ces difficultés impromptues qui ont donné les meilleures étapes. On imaginait Tony Martin repris avec facilité ; au contraire, accentuant toujours un peu plus son avance, accélérant imperturbablement au fil des kilomètres, l’Allemand reprenait le contrôle, inversait la tendance et filait vers une victoire improbable. Il fallut un autre grand champion pour éviter cet exploit. Cancellara dut démarrer à 400 mètres de la ligne, s’exposant à un contre, et donc fatalement battu par Morkov.
En montagne le scénario se répéta. Certains leaders exténués durent renoncer au général : Mollema et Kreuziger ne purent assumer leur statut. D’autres encore montrèrent des signes de lassitude, soit liés au Tour comme Rodriguez, soit liés aux nombreux jours de course déjà présents. Pour ce deuxième cas de figure, Nibali et Pinot sont de bons exemples. Peu d’hommes arrivèrent frais sur ces trois semaines. Ce fut le cas pour Basso, plus encore pour Horner, tous deux revenant de blessures et devant se contenter de la Vuelta comme ultime chance de figuration. Un seul homme sembla insensible aux efforts déjà donnés : Valverde afficha une très belle condition.
Ce qui se ressentit du côté des leaders fut aussi probant du côté des équipiers. Les baroudeurs purent s’en donner à cœur joie, libérés de la peur du retour du peloton. Les étapes de haute-montagne furent trustées par les échappées. Les Français en profitèrent pour imposer leur marque sur les Pyrénées avec Geniez et Barguil. Elissonde s’empara pour sa part de l’Angliru.
Ne pas voir les leaders s’écharper pour l’étape pourrait créer de la frustration. C’est oublier le nombre impressionnant d’occasions qui leur ont été accordées. C’est aussi un moyen d’éviter de répétitifs sprints entre Rodriguez et Valverde. Six échappés au long cours aboutirent. Nombre considérable.
Mais cela donna lieu à la meilleure étape de cette Vuelta, celle arrivant à Aramon Formigal où pendant deux cols entier le peloton perdait autant d’éléments par l’avant que par l’arrière, où les attaques fusaient sans le moindre repos et où après une courte pause accordée au pied de la dernière ascension nous pûmes assister à l’exploit tactique et physique de Barguil mystifiant Uran, complété dans sa dramaturgie par la défaillance inattendue de Nibali. Les assaillants savaient leur chance d’aller au bout. Astana ne voulait pas laisser partir. Ce sont les ingrédients d’une étape dingue, à l’exemple de l’étape de Gap sur le Tour 2011.
La réussite française
Le Tour avait été difficile pour les équipes françaises : une seule victoire d’étape, premier coureur au classement général quinzième. Au départ les prétentions étaient grandes. Rolland, Pinot et Péraud visaient un top 10 au général. D’autres se préoccuperaient des victoires d’étapes, certains pourraient prétendre au maillot à pois. Seul Riblon au final sauva l’honneur en s’attribuant la mythique Alpe d’Huez.
Cette Vuelta avait goût de revanche. Pour Thibaut Pinot en particulier. Conspué violemment sur le Tour pour son incapacité à descendre correctement les cols, il se devait de démontrer sa capacité à grimper, son potentiel pour les classements généraux. Il remplit parfaitement sa mission, rassurant à peu près sur la question des descentes, inquiétant dans sa tendance à rester à l’arrière, mais confirmant pleinement ses prédispositions en montagne, accompagnant régulièrement les plus gros cadors. Il se classa septième à Madrid.
Les autres français suivirent son exemple. Une folle dynamique commença. La jeunesse avait à cœur de se montrer, de s’échelonner face aux meilleurs, de prouver leurs capacité, leur mental, leur rage de victoire. Barguil le premier accomplit son œuvre. Deux victoires lui donnèrent une dimension tout autre ; ses adversaires ne le considéreront plus qu’avec crainte et respect. Propulsés par la victoire de Nacer Bouhanni devant André Greipel sur le Grand Prix de Fourmies, l’équipe FDJ se transcenda, mettant Geniez et Elissonde au sommet de leur art pour s’accaparer deux des plus importantes étapes de cette Vuelta. Nicolas Edet compléta la fête en récupérant le paletot des meilleurs grimpeurs.
La concurrence moindre peut expliquer cette réussite. En partie. Ce fut surtout le dynamisme de la jeunesse française, la hargne conquérante de ces esprits neufs et décomplexés, se nourrissant des exploits du voisin, imitant ses compagnons de route dans l’accomplissement de l’exploit. Le peloton était fatigué ; les Français étaient survoltés. Le patriotisme a jouit de cette déferlante tricolore. L’avenir est là, prometteur et courageux.
Photo : ledauphine.com
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