Article rédigé par Johann Peyrot du blog Impressions Cyclistes
Le Tour de France achevé, une pause s’imposait pour certains. D’autres enchaînèrent les courses après de longs mois passés loin des peloton. Au mois d’août, les épreuves par étapes d’une semaine affluant, tout ce petit monde se retrouva enfin sur les routes dans la perspective de préparer la fin de saison : la Vuelta pour les uns, mais surtout les championnats du monde. Deux voies sont tracées en ce mois de septembre. Une part du peloton avait rejoint les routes espagnoles. L’autre préféra la campagne des classiques. Le Tour d’Espagne comporte un indéniable intérêt dans la recherche de forme. L’autre voie est-elle pour autant à dédaigner ?
Le physique. Oui mais…
Le Tour d’Espagne est à priori inévitable pour la préparation des championnats du monde. Trois semaines d’efforts continus conditionnent les organismes et les préparent au mieux pour les échéances de fin de saison. A condition de s’afficher au départ avec une condition ascendante. Nibali en est l’exemple le mieux affirmé cette année, ayant maintes fois expliqué son mode de préparation. A contrario, effectuer trois semaines supplémentaires de souffrance, épuiser un organisme déjà las de la saison passée n’a pas grand intérêt. Une course se gagne aussi sur la fraîcheur. Mollema et Kreuziger sont à bout de course. La Vuelta leur restera surtout dans les pattes.
Ne vaut-il pas dans ce cas privilégier le repos, quitte à ne pas atteindre une condition suffisante ; surtout permettre à l’esprit de récupérer loin des contraignants impératifs d’un Grand Tour ? Les classiques offrent cette quiétude du dimanche, cette unique journée nerveuse où la concentration est nécessaire et où l’esprit, sachant la journée du lendemain sans enjeu, est tout entier à sa tâche. Le problème restant la nécessité d’entraînement, la douloureuse expérience de s’infliger sans raison de quotidiens exercices : demeure la possibilité comme Sagan de cumuler des jours de course avec les épreuves américaines. D’autres comme Froome supportent la charge d’entraînement et s’en accommodent, y voyant même une meilleure préparation, plus précise.
Un point surtout joue en faveur de la campagne des classiques. Le jour des championnats du monde l’important est de gagner. Pas de figurer dans la groupe de tête. Il faut sentir la course, se réserver au maximum, savoir parfois anticiper, éviter de réagir à contre-temps ; bref, maîtriser les composantes tactiques d’une course en circuit. L’expérience des autres années peut compenser. Vichot, Rui Costa, Pozzatto, Sagan, Gesink ont néanmoins pris leurs marques, jaugés les nouvelles tendances. Froome également y trouve son compte. Sa participation aux circuits canadiens compense son manque d’habitude.
Une course en circuit induit un schéma de course particulier. La première partie de saison est dévolue aux grandes classiques, puis viennent le Giro et le Tour, séparateurs symboliques de la saison cycliste. Les classiques perdent alors en prestige, pas nécessairement en intensité, se déroulant dès lors sur des circuits, souvent urbains, favorisant puncheurs et sprinteurs. Degenkolb s’imposa à Hambourg, Pozzatto à Plouay, Sagan à Montréal. Seul Gesink grimpeur égaré s’imposa (au sprint !) à Québec.
Le plaisir de la course
Car il ne faut pas confondre le cyclisme avec d’autres disciplines comme l’athlétisme. Comme le disait Anquetil, être champion du monde on s’en fout, mais porter le maillot arc-en-ciel est un grand bonheur. Les cinq bandes sont magnifiques. Le titre beaucoup moins. Le cyclisme est un sport trop incertain, trop dense en jours de compétition pour accorder une importance démesurée au titre de champion du monde. Selon les avis, cela équivaut plus ou moins à une classique majeure. Pour ma part je trouve la victoire sur un Roubaix, une Ronde ou un Milan-San Remo cent fois plus belle. L’accessibilité des championnats du monde n’est pas celle de ces classiques réservées aux spécialistes. Triompher à Roubaix en dépit de Boonen et de Cancellara relève de l’exploit.
La saison cycliste est également trop longue pour être fixée sur l’unique course des mondiaux ; le plus souvent la volonté est de prolonger jusqu’au Tour de Lombardie. Le début de saison n’est pas non plus fixé en fonction de cette échéance tardive. La Vuelta est utilisée comme rehausseur de condition. Par contre la victoire y est rare (Cancellara, Gilbert) et peu prestigieuse. Mieux vaut la sécurité d’une classique acquise en amont. Sagan a assuré au Canada, Pozzatto a engrangé plusieurs succès, Bakelants, réveillé par le Tour, a empoché le Grand Prix de Wallonie.
Le plaisir de course est primordial. Se contraindre à un entraînement acharné pour courir sans le moindre plaisir n’est pas tenable ; Wiggins n’a pas pu prolonger ce schéma une fois le Tour gagné. Rejoindre les routes espagnoles c’est se priver de cette joie inhérente à la compétition cycliste, cet affrontement tactique, moral, physique si particulier des courses d’un jour. Sur la Vuelta la victoire se jouera dans l’unique final, sans tension préalable, ou au terme d’une échappée. Une classique à l’inverse nécessitera des heures d’attention, de jugement, d’instinct. Elle laisse la possibilité de l’effort total, complet, après lequel le coureur chancelant au cœur de sa sublime souffrance remplit son esprit d’un calme absolu.
C’est l’occasion de participer à des courses bien plus belles et attractives. Hambourg reste une belle occasion de jauger les sprinteurs, comme Paris-Bruxelles ou le Grand Prix de Fourmies. Plouay fut superbement animée, bien que décevante dans son achèvement. A l’inverse Québec offrit un final magnifique mais une course ennuyeuse.
La plus belle, une des trois plus belles de l’année après Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège, fut celle de Montréal. La FDJ emballa la course à plus de soixante kilomètres de la ligne. Le peloton à chaque tout souffrait atrocement, s’étirait, perdait quelques unités avant que l’instant attendu arrive, l’éclatement définitif propulsant les hommes forts, réduisant à quelques unités le groupe de tête, isolant un Peter Sagan qui sut malgré tout régir, une première fois seul à 20 kilomètres, une deuxième fois s’échappant définitivement pour s’imposer en solitaire, refusant la risque d’une arrivée massive. L’incertitude fut constante. Les échappées à chaque fois semblaient pouvoir l’emporter. Froome, Contador ou Hesjedal, vainqueurs de Grands Tours, se relayaient dans les offensives. Il fallut un champion pour briser leur élan.
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